Ouverture des débats de fond du procès des disparus de Novotel: 2 officiers supérieurs se rejettent la responsabilité de la disparition des 4 victimes
Deux officiers supérieurs de l’armée ivoirienne, accusés dans le procès dit «des disparus de l’hôtel Novotel d’Abidjan » se sont mutuellement rejetés la responsabilité de la disparition des corps des 4 victimes, mercredi devant la cour d’assises du tribunal de Yopougon à l’ouest de la capitale économique ivoirienne.
Le colonel Okou Mody Léopold, chef des opérations à la garde républicaine ivoirienne et chef des opérations du poste de commandement (PC) de la présidence ivoirienne au moment des faits et le commissaire de 2ème classe, Osée Loguey, officier de liaison de la police à la garde républicaine au moment des faits, ont été les deux premiers accusés sur les 10 à répondre successivement, aux questions de la Cour, de la partie civile et de leur défense. Tous les deux sont unanimes de la présence des 4 victimes le 04 avril 2011 dans l’enceinte de la présidence de la République au Plateau, puis de leur mort, par la suite, dans la même journée.
Les deux collaborateurs de l’ex-patron de la garde républicaine ivoirienne Dogbo Blé, lui aussi dans le box des accusés, s’achoppent cependant, au niveau de leurs responsabilités respectives dans l’enlèvement des 4 corps et leur disparition.
«J’ai effectivement vu les 4 victimes avant leur mort derrière mon bureau à la présidence. Donc j’ai commis deux hommes que je ne connaissais pas pour les surveiller. Dans les 5 minutes qui ont suivi, il y a eu un bombardement dense d’avion sur la présidence. Et après ces bombardements, quand je suis ressorti j’ai constaté qu’ils étaient tous les 4 morts», a reconnu devant le juge, le colonel Mody avant de poursuivre qu’il a aussitôt informé son supérieur hiérarchique, le général Dogbo Blé qui l’a instruit de «faire enlever discrètement les corps».
«J’ai demandé au commissaire Osée Loguey, à mon tour, de contacter ivosep ou la croix rouge pour transporter les corps. Le commissaire en retour, m’a appris que ces deux structures refusaient de venir à cause des bombardements. J’ai donc réquisitionné un véhicule pour le commissaire qui a transporté les corps jusqu’à l’infirmerie de la première compagnie du Plateau », a poursuivi le colonel qui nie toutefois être le supérieur hiérarchique du commissaire Osée bien qu’il lui ai donné des ordres au moment des faits.
«C’est un service que je lui ai demandé. Il pouvait refusé. Sinon il n’était pas sous mes ordres directs», a-t-il ajouté. Interrogé à son tour par le juge Mourlaye Cissoko, le commissaire Osée Loguey dit avoir agi sous les ordres du colonel Mody qui était son supérieur hiérarchique au moment des faits.
« Quand j’ai transporté les 4 corps à l’infirmerie de la première compagnie, un véhicule pick-up double cabine est venu avec des hommes en civils et d’autres en treillis pour me demander de leur remettre les corps et que l’ordre venait de la présidence. Je ne les connaissais pas, mais je leur ai remis donc les 4 corps», a relaté, à son tour, le commissaire Osée.
« En tant qu’officier supérieur, comment pouvez-vous remettre des corps à des inconnus sans informer au préalable votre hiérarchie ? », a interrogé le président de la cour. A cette interrogation du juge-président, l’accusé soutient avoir été paniqué par l’ambiance délétère qui régnait le 04 avril 2011 dans le périmètre de la présidence ivoirienne avec les bombardements. La défense des prévenus qui a pris le relai de l’interrogatoire des deux accusés après le juge, le parquet général et la partie civile, a tenté de disculper leurs clients en leur posant des questions tendant à attribuer la mort des 4 victimes au bombardement d’avions sur la présidence ivoirienne le 04 avril 2011.
«Je n’ai jamais tiré sur un individu quelconque de toute ma vie. Le 04 avril 2011, je n’ai ordonné aucune mission dans la zone du Novotel», a juré le colonel Mody Léopold répondant aux questions de son conseil. C’est sur cette note de l’interrogatoire de la défense que le magistrat Mourlaye Cissoko a mis un terme à l’audience du jour et l’a renvoyé à demain jeudi. Dans la matinée, à l’entame de l’audience, le président de la cour avait rejeté la requête de la défense qui avait soulevé mardi son «incompétence et celle de sa cour à connaître de ce procès».
L’ex-commandant de la garde républicaine ivoirienne, Dogbo Blé Brunot et 9 coaccusés sont poursuivis par le ministère public « d’arrestation illégale, séquestration, assassinat et disparition de corps» le 04 avril 2011 en pleine crise postélectorale ivoirienne de deux Français, Ives Lambellin, Stéphane Frantz Di Rippel respectivement ex-directeur général du groupe SIFCA et et ex-directeur général de l’hôtel Novotel d’Abidjan, du béninois Raoul Adeossi et du malaisien, Chelliah Pandian.
L.Barro