Crise postélectorale: les révélations d’une experte en médecine légale au procès de Simone Gbagbo

Comme convenu hier par les parties, l’audition des témoins clés du procès  de l’ex-première dame, Simone Gbagbo, a débuté ce mercredi à la Cour d’assises. Entendue à la barre, ce jour, le professeur Yapo Etté Hélène ayant eu la charge de l’expertise médico-légale de  789 corps de la crise post-électorale de 2010.

L’experte en médecine légale, témoin de la défense, a fait de graves révélations, notamment, sur les causes des décès, les circonstances, l’origine ethnique de la plupart des cadavres…  »

Nous avons examiné 789 corps à travers des autopsies, des radiographies, des prélèvements de cavités pour déterminer les causes et les circonstances des décès. Selon nos examens, 82% des corps examinés ont perdu la vie dans des conditions violentes, dans 18% des cas les causes de la mort n’ont pu être déterminés et 63% de ces personnes ont été tuées avec des armes à feu et par des éclats d’obus », a-t-elle révélé avant de poursuivre que « la plupart des corps étaient d’origine ivoirienne avec une prédominance de l’ethnie malinké. La majorité des corps examinés proviennent de la commune d’Abobo suivie de celle d’Adjamé et de Yopougon ».

Pour la défense de Simone Gbagbo, ladite expertise médico-légale ne prend pas en compte toutes les victimes de la crise post-électorale.  » Pourquoi n’avez-vous pas examiné les cadavres de Duekoué, de Nahibli? « , a interrogé Me Rodrigue Dadjé.  » Comme la crise s’est déroulée sur l’ensemble du territoire, il est fort probable que nous ayons encore des corps à expertiser. Notamment, ceux déjà inhumés. Notre présent rapport s’est arrêté le 22 août 2011″, a répondu Pr Etté Hélène qui a été aussitôt contre-attaquée par Me Dadjé pendant plusieurs heures.

 » Aviez-vous une réquisition individuelle ou une réquisition globale précisant l’origine et les causes des morts des personnes que vous avez examinées? Les corps des 5 femmes tuées à Abobo, les corps de la marche sur la Rti, les morts du marché Siaka Koné, figuraient-ils parmi ceux que vous avez expertisez? ». Cette série de question de la défense au Pr Etté a provoqué la réaction du président de la Cour pour recadrer le débat.  » Elle ne peut pas répondre à cela. Si son rapport contient des insuffisances, vous le faites observer et ça s’arrête là », a indiqué le juge Boiqui Kouadio.

Les autres témoins du jour, notamment le Pr Anongba Simplice, M. Affian Honoré et dame Sira Dramé ont brillé par leur absence. A en croire Me Dadjé de la défense, ils auraient refusé de venir comparaître. « Anongba Simplice a refusé de venir comparaître. Donc nous demandons au procureur général de l’appeler pour qu’il vienne témoigner », a-t-il plaidé.

Ce plaidoyer de Me Rodrigue Dadjé n’a pas eu une suite favorable auprès du procureur général qui a démonté juridiquement les lacunes des citations que la défense à adressées aux témoins. S’en ait suivi alors une vive polémique entre la défense, la partie civile et le parquet général.

Les uns, voulant que le juge constate que la défense n’a pu faire comparaître tous ses témoins du jour et la défense voulant que le procureur général fasse diligence pour la comparution de ses témoins.

Réaction

Me Rodrigue Dadjé, avocat de Simone Gbagbo:

 » Sur la base de quoi on choisit des morgues et on laisse d’autres? »

 

 » L’objectif pour nous n’était même pas de décrier le rapport médical. C’était simplement de prouver que ce rapport n’a jamais pris en compte les faits. Je vous le dis et je pèse mes mots. Pr Etté n’a jamais examiné les corps de la marche d’Abobo. Parce que, ce n’était pas pendant la période de sa mission et ces personnes ont été inhumées avant qu’elle ne reprenne sa deuxième mission.

En ce qui concerne les personnes qui aurait été tuées à la marche sur la Rti, elle ne les a jamais examinées. En ce qui concerne ceux qui auraient été tués au marché Siaka Koné d’Abobo, ils n’ont jamais été examinés. Pour preuve, j’ai l’ordonnance de 2015 qui nomme Pr Etté afin d’aller exhumer ces corps et faire des analyses. Ce qui m’importe à moi, c’était de prouver que le rapport médical qu’on a voulu utiliser pour accuser Mme Gbagbo ne peut rien faire parce que Pr Etté n’a jamais examiné les morts imputées à Mme Gbagbo. Sur la base de quoi, on choisit des morgues et on laisse d’autres morgues du pays? …. »

 

L.BARRO