A peine ouverte ce lundi à la cour d’appel d’Abidjan-Plateau, l’audience du procès de Mme Simone Gbagbo, a été à nouveau suspendue et renvoyée à demain mardi. Au motif de ce nouveau blocage après celui de la précédente audience, la comparution du président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, des généraux Philippe Mangou, Edouard Kassaraté et Brindou M’bia, exigée par la défense de l’ex-première-dame. Cette exigence avait pourtant eu un écho favorable auprès de la Cour qui avait à l’audience du 24 octobre dernier, prévu la comparution de ces autorités le 16 novembre prochain.
En effet, huit témoins à décharge devraient comparaître ce lundi à la barre de la Cour. Mais, aucun de ses témoins de l’accusation n’étaient présents pour être entendus. » Pourquoi vos témoins ne sont présents? y-a-t-il un problème? » interroge le président de la Cour, Boiqui Kouadio suscitant un dialogue de sourd entre la Cour et les avocats de Mme Gbagbo.
« Nous voulons que la Cour nous donne la garantie que les personnalités citées vont effectivement comparaître pour donner leurs versions des faits », a répondu Me Blédé Déhora de la défense aussitôt interrompu à nouveau par le juge Boiqui. » Vous n’avez pas à nous imposer l’ordre de passage des témoins. La question est de savoir pourquoi vos huit témoins de ce jour ne sont pas présents. Car,c’est sur cette question que nous allons statuer aujourd’hui », a-t-il lancé à la défense Mme Gbagbo. Cette altercation entre les deux parties à peine quelques minutes après l’ouverture de l’audience a fait suspendre l’audience pendant plus de deux heures.
A la reprise à 14h17mn, la Cour annonce la suspension de l’audience du jour pour la reprendre demain mardi. » Nous allons suspendre l’audience pour la reprendre demain et poursuivre les discussions avec la défense. Les huit témoins à décharge qui n’ont pu témoigner aujourd’hui, eux, comparaîtront le 10 novembre prochain », a laissé entendre le président de la Cour .
Réactions
Issiaka Diaby, Président du collectif des victimes en Côte d’Ivoire ( Covici):
« La défense fait du dilatoire »
« Nous constatons que la justice ivoirienne joue le jeu qui est favorable à la défense. Nous avons joué notre partition en présentant les témoins de l’accusation à la barre. Le procès piétine et nous croyons que la justice ivoirienne va se ressaisir et tout mettre en œuvre pour que la vérité se manifeste dans ce procès. La défense de Mme Gbagbo a passé son temps à dire que ce dossier était vide. Aujourd’hui, elle est devant la réalité des faits de crimes que nous reprochons à Simone Gbagbo. Donc, aujourd’hui, la défense fait du dilatoire avec la complicité de la justice ivoirienne. Et les victimes ne sauraient l’accepter. Vous avez assisté le moment où passaient à la barre les témoins de l’accusation, pour l’absence d’un témoin ou tout autre écart de notre part, vous avez vu comment la Cour nous mettait la pression. Et pourquoi aujourd’hui, la défense de Mme Gbagbo, n’a jusque- là pu faire témoigner un seul témoin. Alors, il faut que la justice soit forte. Ce n’est pas à la justice ivoirienne de faire comparaître des témoins à décharge. C’est à la défense elle-même de faire venir ses témoins à décharge. Nous restons fermes et nous disons que c’est du dilatoire. Car, ce ne sont pas seulement ces 4 personnalités qui constituent les témoins de la défense. Il y a des citoyens civils qui peuvent comparaître normalement sans procédures spéciales. On ne le fait pas et on bloque le procès ».
Me Rodrigue Dadjé, avocat principal de Simone Gbagbo:
» Nous n’allons pas continuer ce procès si les acteurs des faits ne sont pas entendus »
« On va remettre l’audience à demain parce que nous sommes en train de discuter à huis-clos pour trouver une solution au problème du dossier. On a un vrai problème qui est la comparution des acteurs des faits. On n’a pas encore trouver le bon habillage juridique pour qu’on voit comment ils comparaissent. Donc, nous allons continuer à discuter demain et on va apprécier.
Pour nous, peu importe l’habillage juridique, peu importe ce que la loi a prévu ou qu’elle n’a pas prévu, nous n’allons pas aller à un procès où les acteurs des faits n’ont pas été entendus. C’est clair. Pour nous c’est fondamental et on ne va pas continuer dans un procès où les acteurs n’ont pas été entendus.
Après, si on doit user d’artifices juridiques pour voir comment ils comparaissent, on est ouvert à ça. Et nous sommes d’accords pour aller à la table de négociation pour trouver les artifices juridiques. Mais, nous n’allons pas continuer dans ce procès s’ils n’ont pas été entendus. Donc, comme on veut que ce procès se termine, nous allons continuer à discuter pour trouver la solution.
Si les acteurs des faits ne sont pas entendus, nous n’allons pas continuer le procès. Le président de la Cour a dit la dernière fois à l’audience que ces acteurs seront entendus le 16 novembre, mais, on ne nous avait pas donné l’occasion de répondre à cela. Nous ne nous reconnaissons pas dans son programme. Mais, il est libre de faire son programme, c’est lui le président de la cour. Nous ne nous reconnaissons pas dans son programme. C’est parce que nous ne nous reconnaissons pas dans son programme, qu’aujourd’hui, aucun de nos témoins n’est venu à la barre.
Nos inquiétudes sont objectives. Pourquoi? Parce qu’à l’enquête préliminaire, on aurait dû entendre ces acteurs des faits. A l’instruction qui a duré 4 ans, on aurait dû les entendre. Pourquoi ils n’ont pas été entendus? Deux personnes se battent dans une maison et on accuse quelqu’un qui habite dans un autre pays. Ce sont les deux personnes qui se battent qui doivent être entendues.
Si elles ne le sont pas, c’est qu’il y a un problème. Il n’est point question qu’on nous dise d’entendre d’abord nos témoins secondaires. Et dire que les autorités témoigneront ensuite. Et s’ils ne viennent pas? Nous n’allons pas prendre le risque qu’elle se fasse condamner alors que tout le monde sait qu’elle est innocente. C’est clair et c’est net. Demain, on va venir pour discuter. Aucun de nos témoins ne viendra si on n’est pas d’accord ».
L.BARRO